Comité sectoriel de main-d'œuvre des industries des portes et fenêtres, du meuble et des armoires de cuisine
Des secteurs encore vigoureux !
Meubles, portes, fenêtres et armoires de cuisine
Par André Giroux et Mario Dubois
Les manufacturiers d’armoires de cuisine, de portes et de fenêtres roulent à plein régime grâce à la vitalité de l’industrie de la construction qui connaît ses meilleurs moments depuis 15 ans. Les fabricants de meubles profitent moins de la manne à cause du contrepoids négatif de la concurrence chinoise au pays et de la chute des exportations. Même si la demande des produits et le contexte économique s’annoncent un peu moins favorables au cours de la prochaine année, l’industrie demeure vigoureuse et les besoins en main-d’oeuvre spécialisée se font encore sentir dans une foule de métiers.
Le Québec a connu un véritable boom dans le domaine de la construction résidentielle en 2001 et en 2002, une hausse de l’ordre de 50 %. On dénombre environ 56 000 nouvelles unités en 2004, la meilleure performance depuis 1988. « On ne peut tenir longtemps à ce rythme, reconnaît Louis Delagrave, économiste à la Commission de la construction du Québec. Les secteurs commerciaux et institutionnels continueront toutefois de gagner du terrain puisque d’importants projets iront de l’avant. »
Il faut savoir que le marché de la rénovation traverse une période d’effervescence, fait remarquer Kevin Hugues, économiste provincial à la Société canadienne d’hypothèques et de logement. « Il se maintiendra en 2005. Or ce créneau est plus important que celui de la construction. Les bâtiments subiront de plus en plus de transformation pour les adapter au vieillissement de la population », précise Cheick Ouattara, conseiller en développement industriel dédié à l’industrie de la construction au ministère du Développement économique et régional et de la Recherche du gouvernement québécois. « Le parc immobilier existant prend de l’âge. Il nécessite des travaux de rénovation. »
Meubles
L’industrie du meuble qui devait mourir après la signature des accords de libre-échange canado-américain figure encore aujourd’hui parmi l’une des plus dynamiques du Québec, malgré la stabilisation de l’emploi observée depuis deux ans combinée aux contraintes commerciales internationales et à l’essoufflement économique aux États-Unis qui pointent à l’horizon.
Entre 1992 et 2002, le PIB du secteur a augmenté de 108,6%. Selon une étude de Statistique Canada, les acheteurs de maison ont dépensé deux fois plus au chapitre des meubles il y a deux ans que les propriétaires n’ayant pas déménagés. La tendance pèse encore dans la balance des achats de produits puisque cette enquête fait également ressortir que trois ans après leur acquisition immobilière ils continuent à se procurer des meubles en plus grande quantité que ceux qui n’ont pas déménagés.
Entre 2000 et 2002, le nombre d’employés a augmenté de 23%. Il est passé de 21 169 à 26 046, selon l’Enquête annuelle des manufactures produite par Statistique Canada. « Contrairement à ce que l’on observait auparavant, il y a moins de mises à pied en fin d'année. L'emploi revêt un caractère de plus en plus permanent », se réjouit Marc La Rue, secrétaire du Comité sectoriel et conseiller syndical à la CSD. Mais depuis environ 18 à 24 mois, l’embauche ralentit. « C’est plutôt en dents de scie. Certaines entreprises poursuivent sur la lancée tandis que d’autres ne font que remplacer le personnel âgé », argue Gaston Boudreau, coprésident syndical du Comité sectoriel et directeur général du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) au Québec.
Pendant que les besoins domestiques augmentent cette année, l’environnement politicoéconomique à l’échelle mondiale met des bâtons dans les roues. Le refroidissement de l’économie américaine, le raffermissement du huard et la guerre en Irak ont accasionné une réduction des exportations de meubles. Le Canada est donc vulnérable, note Michel Deveault, président-directeur général de Meubles Canadel. «Nous avons quand même besoin de personnel possédant une formation professionnelle, technique et universitaire. »
Environ 65% des produits sont exportés aux États-Unis, signale Jean-François Michaud, coprésident patronal du Comité sectoriel et président-directeur général de l’Association des fabricants de meubles du Québec (AFMQ). Or, l’industrie affronte de nouveaux défis : la hausse de 25 % de la valeur de la devise canadienne depuis deux ans et la force grandissante de la concurrence chinoise. « Notre stratégie de vente doit s’éloigner du prix et se diriger vers la valeur ajoutée », opine-t-il.
Dans ce contexte, poursuit le dirigeant de l’AFMQ, la R&D est capitale pour le développement. C’est pourquoi le Consortium de recherche sur l’industrie du meuble vient de voir le jour. Créé en 2004 par Forintek Canada, le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), l’Université Laval, l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’École québécoise du meuble et du bois ouvré, l’organisme analyse les principaux besoins de l’industrie. « Le secteur du meuble est plus que jamais en mesure de se lancer sur la voie du changement, affirme Jean-François Michaud. Elle possède les outils dont elle a besoin pour chercher, innover et réussir. »
Portes et fenêtres
Depuis cinq ans, le chiffre d’affaires de Solarcan portes et fenêtres augmente de 20% par année, affirme son directeur général, Jean Gilbert. L’industrie de la construction neuve draine tellement d’employés que nous avons de la difficulté à en recruter. » Les besoins sont particulièrement criants du côté des chargés de projet et des installateurs, indique-t-il à titre d’exemple. Une enquête effectuée en 2002 (et la tendance s’est vraisemblablement poursuivie jusqu’à la fin de la présente année) par la Société canadienne d’hypothèques et de logement indique que parmi les projets de rénovation intérieure de plus de 1000 $ les préférences des propriétaires canadiens vont du côté des achats de portes et fenêtres dans 13 % des cas.
« Le secteur est en situation de plein emploi, soutient Alain Cloutier, conseiller syndical chez les Métallos de la FTQ. La conjoncture actuelle est réjouissante chez les employés. Toutefois, l’appréciation du dollar canadien pourrait provoquer une diminution des exportations. Entreprises et travailleurs devront augmenter la productivité, entre autres, par le biais de programmes de formation et par la valeur ajoutée. »
Le secteur des portes et fenêtres devient plus attrayant qu’autrefois. Les salaires sont meilleurs en raison de la pénurie de main-d’œuvre en région. Les entreprises s’arrachent les travailleurs, laisse tomber Jean Tremblay, vice-président exécutif de l’Association des industries de produits verriers et de fenestration du Québec. « Les nouvelles techniques de production requièrent des gens mieux formés, des employés capables d’opérer par exemple des machines coûtant 300 000 $ à un million $ pièce. Cet environnement de travail plus technologique n’exige plus autant de force physique. Cela ouvre davantage la porte aux femmes en particulier. »
Les entreprises chinoises disposent cependant de ces équipements, mais leurs employés produisent à 10 cents l’heure, poursuit-il. À l’avenir, nous devrons investir de plus en plus au chapitre de la R&D, laisser davantage aux Asiatiques la production en série et développer fortement des niches haut de gamme. » Si ce virage est bien exécuté, le secteur d’activité est appelé à poursuivre son essor.
Armoires de cuisine
Le créneau des armoires de cuisine bénéficie largement de la frénésie en cours dans le domaine de la construction et spécialement du pactole des travaux de rénovation. Au Québec, le nombre d’emplois passe de 4 759 à 5 667 entre 2000 et 2002, une hausse de près de 20%, selon l’Enquête annuelle des manufactures produite par Statistique Canada.
Qu’en est-il depuis ? « Nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre », mentionne Virginie Cloutier, trésorière du Comité sectoriel et directrice générale de l’Association des fabricants et distributeurs de l’industrie de la cuisine du Québec. Il n’y a toutefois pas de statistiques officielles récentes permettant d’en mesurer l’ampleur. Mais ce champ d’activité est généralement sensible à la demande domestique du côté de la rénovation qui est assez forte. « L’arrivée de nombreux jeunes ménages sur le marché du travail ces dernières années y a contribué positivement », note Gaston Boudreau, coprésident syndical du Comité sectoriel et directeur général du SCEP au Québec.
On sait également qu’en 1993 environ 17% de la production était exportée aux États-Unis. Cette part représente aujourd’hui 60% des expéditions ! Il se trouve que le volume d’emplois est souvent lié à l’augmentation des ventes à l’étranger.
« Notre chiffre d’affaires a augmenté de 35% en moyenne par année depuis cinq ans, affirme Yves Girard, directeur général de l’entreprise Armoires Cuisines Action. Nous avons besoin par exemple de travailleurs spécialisés, particulièrement des opérateurs de machines à commandes numériques et des débiteurs. Il est rare que nous puissions embaucher des personnes déjà formées. »
Tout comme dans les secteurs du meuble et des portes et fenêtres, les fabricants d’armoires de cuisine exigeront plus jamais une main-d’œuvre compétente au cours des prochaines années afin de faire face à la musique. Le marché chinois viendra peut-être jouer un jour dans notre cour, « mais nous ne le sentons que très peu actuellement », conclut Virginie Cloutier.
Cliquez ici pour consulter le tableau statistique présentant la réalité économique de l’industrie.
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